26 mai 2008

Le monstre transparent : pourquoi n’en avoir rien à foutre de la Culture


Le monstre transparent : pourquoi n’en avoir rien à foutre de la Culture. Claire Cros.

(le + : énonce une évidence difficile à formuler ; le - : énonce une évidence difficile à formuler).

La Culture est un monstre indéfini, inappropriable et inutile. C'est un ensemble flou inventé par l’Etat démocratique, pour asseoir sa légitimité, dans un même élan élitiste (on subventionne, hors de la légitimité acquise auprès d’un public) et relativiste (tout le monde peut y participer pour s’exprimer).

Ce n'est qu'une version dégradée du savoir humain, sciences et arts. Ce savoir, évoluant tout au long du voyage de l'humanité, donne de la profondeur à notre regard, notre sensibilité quotidienne envers le connu et envers le nouveau.

25 mai 2008

Génération participation



Le + : la contextualisation historique des besoins actuels d’expression

L’auteur utilise la Pyramide des besoins de Maslow, pour y incorporer les évolutions politiques et marketing du monde contemporain.

* Avant 1945 - Besoins physiologiques - Qualité des produits

* Guerre Froide - Besoin d’appartenance - Marques, stars, symboles

* Mondialisation - Besoins de reconnaissance – Expérimentation, expression de valeurs personnelles


Le - : aucune délimitation du concept de « participation », d’où un optimisme exagéré

La « participation » recouvre dans l’ouvrage des concepts très différents : parfois réelle démarche horizontale et partage, parfois collaboration ponctuelle, parfois simple feedback ou possibilité d’expression. (Parmi les multiples exemples, l’auteur cite aussi bien les pays qui participent aux débats à l’ONU… et les téléspectateurs qui participent à Vidéogag en envoyant leur vidéos).

Si l’ouvrage détecte des dimensions participatives dans différents domaines (sciences, technologies, consommation, politique), leur réalité et leur efficacité n’y est pas évaluée.

[La « participation », quand elle est ponctuelle, superficielle, dirigée, pourrait très bien être une infantilisation marketing, comme semblent le suggérer les pions figurés sur la couverture du livre.]

16 mai 2008

Bibliothéconomie potentielle

Deux étudiants de l’enssib ont récemment lancé des appels pour identifier « les lacunes éventuelles de l'édition en Sciences de l'Information et des Bibliothèques».

Au deuxième appel j’ai répondu cela :
Dans la catégorie "Evaluation des bibliothèques et des services" je regrette spécialement de ne pas disposer d'édition plus récente du Guide (des éditions le Moniteur) : Bibliothèques dans la cité, qui donnait des conseils pratiques pour l'organisation interne. Plus généralement, nous manquons de synthèses sur les pratiques (quelle proportion de bibliothèques font quoi) et de retours d'expériences (quelles sont les expériences qui ont marché ou pas dans les différents établissements). Des synthèses réalisées à partir des travaux des étudiants enssib et iut serait spécialement intéressantes (mais se pose le problème de la publicité des informations internes aux établissements étudiés).


Après réflexion, je me dis qu’un manque encore plus énorme et dommageable c’est l’absence d’ouvrages qui puisse jouer un rôle dans le débat public, analyser et défendre l'offre des bibliothèques dans la citoyenneté et le monde de l'information. A quoi ça pourrait ressembler d’ailleurs ?








Et pourquoi pas ?

15 mai 2008

Les dix plaies d'internet : les dangers d'un outil fabuleux



L'ouvrage de Dominique Maniez pousse plus loin l'analyse que celui d'Andrew Keen.

L'idée en est qu'Internet procure un sentiment de liberté immédiate, sentiment qui devra être contraint pour pouvoir se tranformer en pratiques de libertés réelles. La parabole de cette idée pourrait être la cryptographie, dont le développement a été nécessaire pour permettre paradoxalement plus de transparence dans le commerce électronique.

* Le sentiment de liberté procuré par internet est décrit à travers une citation de Dominique Wolton : "Autonomie, maîtrise et vitesse. Chacun peut agir, sans intermédiaire, quand il veut, sans filtre ni hiérarchie et, qui plus est, en temps réel.[...] Cela donne un sentiment de liberté absolue, voire de puissance, dont rend bien compte l'expression "surfer sur le net"."

* Dominique Maniez énumère les dangers cachés derrière ce sentiment de liberté : usage d'outils monopolistiques, non-respect des droits d'auteurs, trop-plein de publications et de commentaires inexploitables, communication réduite à son immédiateté et à sa forme, mythes cognitifs d'intelligence collective et d'éducation par les tics.

* Mais contrairement à Andrew Keen qui préconise le retour à d'anciens modèles, Dominique Maniez se prononce plutôt en faveur du déploiement de nouvelles solutions : développement de sites alternatifs concurrents, meilleure connaissance des mécanismes du réseau, facilitation des procédures de signature électronique. Pouvoir susciter, à côté de l'univers de l'anonymat, un univers où la signature authentifée permettrait d'autres développements.

Pour l'anecdote on trouve dans l'ouvrage des citations de Biblio-fr, O.Le Deuff, Figoblog et des cofondateurs de Biblioacid.

L'ouvrage m'évoque l'idée de l'articulation entre liberté formelle et liberté réelle, ou entre aliénation et médiation.

02 mai 2008

Le culte de l'amateur : comment internet détruit notre culture



Le livre d'Andrew Keen est très simplificateur mais donne à penser. A prendre comme un retour de balancier contre les discours purement web 2.0. A mon sens voici les faiblesses et les points forts de l'argumentation :

- -
L'auteur ne problématise pas du tout le statut de l'expert (qu'il assimile 1/ à un professionnel, 2/ garantissant la véracité) ni le fonctionnement traditionnel des industries culturelles. On est donc tenté d'appliquer à son texte son propre propos : « Nous constatons aujourd'hui que la révolution web 2 favorise les observations superficielles au détriment des analyses en profondeur, les opinions irréfléchies au détriment des dialectiques éclairées ».

-
L'auteur prend uniquement des exemples à charge (piratage, vidéos idiotes sur youtube, spams, plagiats, falsifications) et les met tous sur le même plan. C'est partisan et caricatural. Néanmoins force est de constater que ces utilisations superficielles ou négatives forment une part très importante des contenus web 2.0, alors que les défendeurs de celui-ci en sont souvent réduits à évoquer ses « potentialités » positives sans évaluer ses réalisations concrètes.

+
L'auteur montre que c'est insuffisant de penser qu'internet donne le pouvoir aux individus face aux médias traditionnels. Pour lui, internet oppose surtout les industries culturelles traditionnelles (qui prenaient en charge des coûts et des processus parfois long de sélection et de création) aux nouvelles industries publicitaires, qui vont chercher à capter tous les revenus. La pub va devenir plus insidieuse qu'auparavant, puisqu'elle va de plus en plus chercher à se mélanger aux contenus eux-mêmes.

++
Pour Andrew Keen, le web 2 est cannibale : si dans un premier temps il semble augmenter la diversité d'accès à des oeuvres, à moyen terme il en détruit la source. D'une part par le piratage (musique, films) voire par la simple réexploitation concurrente (Wikipedia qui prend ses sources dans des ouvrages papiers). D'autre part par l'émergence de grosses sociétés (Google en premier lieu) qui monopolisent les publicités et les sites de recommandation. L'auteur imagine un futur ou plus rien ne pourrait se développer entre les films amateurs gratuits et les blockbusters.


Bref :

  • cet ouvrage semble incapable d'envisager de nouvelles formes de création via internet et ne voit de solutions que limitantes (interdictions, blocages)

    il n'en reste pas moins qu'il pointe bien deux simplifications :

  • l'idéologie qui veut voir dans toute possibilité technique (télécharger, commenter, publier) une avancée culturelle, sans voir ce qu'elle fait perdre

  • l'idéologie qui veut nier la dimension économique de la création, sous prétexte que les industries culturelles en tiraient des bénéfices trop élevés

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