29 décembre 2005

Commentaires sur l'enquête de l'OCLC

"LA PERCEPTION DES BIBLIOTHEQUES ET DES SOURCES D'INFORMATIONS."
http://www.oclc.org/reports/2005perceptions.htm
C'est le titre d'une enquête de l'OCLC menée via internet auprès de 3300 personnes anglophones (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Autralie, Inde, Singapour).
La conclusion de l'OCLC est que l'image des bibiothèques est positive mais vieillie (car associée aux livres et non pas aux bases de données) et qu'il faut donc communiquer plus et "rajeunir la marque " (rejuvenate the brand).

Recension et commentaires.


MOTEURS DE RECHERCHE VS BIBLIOTHECAIRES ?

* 84% des personnes interrogées commencent une recherche électronique par un moteur (et parmi ceux-ci, par Google à 62%).
[Résultat à nuancer selon moi par le fait qu'on a interrogé exclusivement des internautes, et exclusivement via internet.]
* Qu'elle provienne d'un moteur ou d'un bibliothécaire, l'information trouvée est jugée de qualité équivalente par les usagers : satisfaction de l'ordre de 53%.
* 77% des interrogés admettent que le bibliothécaire apporte de la valeur à la démarche de recherche, mais uniquement 44% disent qu'il apporte plus d'aide qu'un moteur.
Les bibliothèques l'emportent légèrement en précision et en crédibilité, mais elles perdent sur le plan de la facilité et l'accessibilité.
*Sur l'expérience globale de recherche 60% d'utilisateurs sont très satisfaits par les moteurs et 48% par les bibliothèques.



L'HABITUDE DE L'INTERNET

*Les moteurs "correspondent parfaitement à mon style de vie" pour 56% des internautes, ils ne sont que 18 % à dire la même chose des bibliothèques.
[Là encore il faut rappeller qu'on a interrogé uniquement un public déjà familier à internet.]
*13% seulement ont déjà payé pour obtenir une information en ligne,
et l'ensemble des personnes interrogées ne s'attendent pas à dépenser plus dans l'avenir [gniark gniark gniark].
* pour valider une information provenant d'internet, 82% opère un croisement avec un autre site internet, 68% avec une source imprimée.
*depuis qu'ils utilisent internet, ils consacrent moins de temps à la télévision (39%), aux bibliothèques (33%) et à la lecture (26%), suivis par les magasins et la radio.


LES SITES DE BIBLIOTHEQUES : SOUS-UTILISES

* A la question "La prochaine fois que vous chercherez de l'information, quelles sources envisagerez-vous?" Les internautes répondent : pour 91% les moteurs, 55% les bibliothèques, 37% les bibliothèques en ligne, 42% les librairies, 30% les libraries en ligne.
* La moitié des personnes interrogées ont déjà commencé une recherche sur un moteur qui a abouti sur un site de bibliothèque.
* Les sites de bibliothèques sont faiblement utilisés (27%), surtout comparé au pourcentage de personnes qui sont inscrites dans une bibliothèque (72%) ou qui s'y rendent régulièremement (un tiers au moins une fois par mois).
* Le service en ligne le plus connu et le plus utilisé : le site et le catalogue.
Le moins connu : les questions à distance.


LES USAGES DE LA BIBLIOTHEQUE

* 1/3 des interrogés seulement ont déjà demandé de l'aide à un bibliothécaire durant une recherche d'information.
[L'OCLC en déduit qu'ils aiment le self-service. Mais si ont regarde le détail des réponses, on voit aussi que ce sont surtout les plus jeunes et les plus diplômés qui ont déjà demandé de l'aide].
* Un quart des inscrits en bibliothèque et plus de la moitié des non inscrits ne se tiennent pas au courant des ressources disponibles en bibliothèques.
*Sont connotés plutôt positivement : les produits offerts en bibliothèque(et le personnel), plutôt négativement : les services et les espaces.
*Quand ils pensent à une bibliothèque, pour 69% ce qui vient à l'esprit en premier: des livres (suivi de l'information et du bâtiment lui-même).
Ceci est analysé de manière quasiment négative dans les commentaires de l'OCLC, car ceci montrerait que les usagers n'ont pas assez conscience des autres ressources.
*Pourtant quand on leur demande quel est le but principal de la bibliothèque : 53% des réponses tournent autour de l'accès à l'information en général, et 31% seulement tournent spécifiquement autour des livres.
* Quand ils ont des conseils à donner à la bibliothèques, les usagers répondent [de manière traditionnelle dans ce genre d'enquête] qu'il faut "plus" et "plus facilement".


"RAJEUNIR LA MARQUE" (REJUVENATE THE BRAND)

L'OCLC conclue que les bibliothèques ont une bonne image de marque, et qu'il faut se baser dessus, s'appuyer dessus, pour la rajeunir. Mais c'est ambigu car cette image est celle d'un lieu familier, avec la présence de livres, ce qui rend difficile la représentation des offres de bases de données (qui sont uniquement connues des étudiants).
Les gens y sont attachés comme à un lieu d'information gratuite en libre service [car, selon l'OCLC, ils auraient confiance en eux] et disent vouloir y trouver plus de livres encore.
Les bibliothèques sont "un endroit pour apprendre, pour lire, pour trouver de l'information gratuitement, pour aider l'instruction, pour aider à s'informer, et avec des ordinateurs gratuits".


MON COMMENTAIRE
Je ne sais pas si le terme brand (qui signifie marque commerciale) a des connotations vraiment plus larges en américain qu'en français (image de marque, identité, concept?).
En tout cas l'angle choisi par l'OCLC est bien de montrer que pour l'usager les bibliothèques sont en concurence avec de nouvelles offres issues du privé, et qu'elles le seront sans doute de manière croissante. C'est intéressant.
Cependant, cela me gêne de placer la stratégie des bibliothèques exactement sur le même plan que les offres privées, car cela signifierait que le service public est juste un concept commercial (a brand) inventé par le lobby des fonctionnaires bibliothécaires pour justifier l'existence de leurs postes. Certes, la communication autour d'un service est important pour que celui-ci soit bien utilisé, mais ce qui me dérange c'est que l'OCLC parle de "changer l'image" comme étant un but en soi.
On dirait que l'on se place sous l'injonction "il FAUT que les gens utilisent plus la bibliothèque" avant de se demander d'abord en quoi les gens pourraient en retirer un service supérieur.

Par exemple, c'est normal que les gens qui ne sont pas étudiants n'aient pas d'image concrète des bases de données, s'ils n'en ont pour le moment aucun usage concret.

Bref pour moi
1/Cette enquête est intéressante : le profil des internautes qu'elle interroge va sans doute se généraliser rapidement dans les pays occidentaux.
2/Mais on ne peut pas en tirer directement de plan d'action pour les bibliothèques (sinon ce serait tomber dans le communicationnel pur).
Il faut passer par une réflexion sur les contenus : en prenant acte de l'offre internet, en quoi (et à quels frais) les bibliothèques gardent précisément des ressources spécifiques intéressantes à développer ?
Et sur un plan politique : pour quelles ressources estime-t-on primordial l'accès public et gratuit?

19 décembre 2005

Vers la régionalisation des recrutements territoriaux.


Deux projets qui pourraient changer la donne (en bien ou en mal) au niveau des titularisations d'assistants, assistants qualifiés et bibliothécaires :


*Les lauréats d'un concours régional, ne pourraient plus postuler que dans cette région pour leur premier poste, et non plus dans toute la France comme c'était le cas . (Livre hebdo n°625)
Ce projet du Conseil Supérieur de le Fonction Publique Territoriale (CSFPT) sera proposé au conseil des ministres. Le CNFPT souligne qu'en délégant ainsi les concours au Centres de Gestion, cela permettrait de pourvoir les postes de manière plus homogène. Les bibliothécaires craignent, eux, de voir des inégalités entre les valeurs des concours régionaux, puisque chaque CDG déterminera les épreuves et les jurys à sa guise et selon ses moyens.

*Les lauréats devraient rester trois ans dans ce premier poste. (Gazette des communes n°44, supplément "Moderniser l'exercice des mandats locaux"). Pour le moment, ce n'est qu'une proposition de ce livre blanc de l'Association des petites villes de France. Les collectivités souhaitent ne plus voir les candidats retourner immédiatement dans leur région d'origine après être devenus plus compétitifs sur le marché du travail (avec l'expérience qu'ils ont acquise et le temps de formation obligatoire post-recrutement qu'ils ont effectué aux frais de la commune).


On comprend bien les problèmes des petites communes, qui trouvent parfois peu de candidats et qui ont des difficultés à les retenir une fois qu'ils sont titularisés.
On comprend aussi que la "titularisation à vie" des fonctionnaires territoriaux, avec peu de possibilités de les sanctionner ou de les récompenser fonction de leur travail, soit un facteur de méfiance au moment du recrutement.

Mais on comprendrait aussi que ces mesures s'accompagnent d'engagements réciproques de la part des communes !
Par exemple être obligées de respecter le nombre de créations de postes qu'elles ont annoncé (sauf cas en cas d'imprévu justifié).
Par exemple être contraintes de publier sur le site du cnfpt toutes les offres de recrutement.
Par exemple connaître assez les tâches qu'effectuent les bibliothécaires pour pouvoir ne pas se baser uniquement sur l'expérience et les diplômes professionels lors des recrutements.
Par exemple être objectives dans leurs critères de non-titularisation (et pas juste "inadaptation de la personnalité avec le cadre des bibliothèques et des bénévoles."*).

Ce problème des recrutements est complexe : hormis les équilibres à trouver entre l'uniformité nationale/ et la décentralisation, il y a aussi un problème de précision concernant les compétences attendues (par le CNFPT, les élus et l'administration locale, et aussi les équipes de bibliothécaires et bénévoles en place) du nouveau titulaire.



***

Par ailleurs, à noter également : la suppression de la limite d'âge aux concours externe de conservateur.
http://www.cnfpt.fr/fr/actualites/actualites.php?id=3377

Formations et évolutions

Sur le site discothécaires, qui complète la liste de diffusion du même nom, on trouve des comptes-rendus de formations d'intérêt pratique plus évident que celle citée précédemment. :)

Par exemple "Approche historique des musiques actuelles" : http://www.discothecaires.ouvaton.org/article.php3?id_article=15
Comme dit l'article, les micro-genres changent tous les 7-10ans. (Il suffit peut-être juste de pouvoir les identifier et non pas de s'y spécialiser facticement). Il y a aussi des résumés de formations sur le Moyen-Age ou le Jazz. D'après le catalogue du CNFPT il y a aussi quelque chose sur la musique contemporaine.

Certains besoins de formation sont donc très bien identifiés et couverts, quand ils ont correspondu à une étape historique des bibliothèques : création des sections jeunesse, des discothèques, informatisation et normes, multimedia et internet. Il y a aussi des stages intéressants sur la littérature.
C'est moins évident en ce qui concerne la fonction de réponse au question des usagers (on a juste les stages "accueil physique et téléphonique" et "recherche d'information"). Et ça ne l'est pas du tout en ce qui concerne les documentaires.
La question que je me pose : est-ce que ces aspects-là vont se développer dans une nouvelle tendance historique (celle des bibliothèques version 2.1 ?) où vont-ils être confiés à google/wikipedia/amazon parce qu'on les assumera moins bien qu'eux?

Au fait, c'était l'année du Brésil




C'est donc un prétexte parfaitement (il-)légitime pour parler de Sepultura.

Ratamahatta
Refuse/resist
Roots, bloody roots Vidéo
Roots, bloody roots (en vrai-faux duo avec Pavarotti O_o).
Le karaoke de grondements.

2006 sera l'année de l'Arménie, patrie de Charles Aznavour, Sylvie Vartan, Cher et System of a down.

17 décembre 2005

Refuse/resist

Un extrait du catalogue de formations initiales et continues
du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (Première Couronne) :




Effectivement il est crucial d'orienter très précisément le public dans son choix de musique métal. Sûrement beaucoup plus que de l'orienter dans les documentaires, puisqu'il n'y a aucune formation vers ceux-ci dans ledit catalogue. On pourrait imaginer des bibliothécaires, acquéreurs spécialisés, qui partageraient leurs connaissances et leurs pratiques, mais c'est peut-être trop demander pour un métier aussi sympa et approximatif que le nôtre.

C'est sûr, je pourrais être un peu gauche dans mes réponses aux usagers qui font des recherches sur l'emploi, l'histoire, la santé, la philosophie, l'informatique, les concours, le droit, l'actualité, etc etc.
Par contre, il ne seront pas déçus sur mon ouverture d'esprit à deux francs et mes connaissances en distortion, en gammes chromatiques, en chant rauque et tout leur arrière-plan culturel! Je peux ainsi les conseiller extrêmement finement parmi la collection de trente disques de rock extrême que j'ai constitué suite à ma formation.

L'enfer est pavé de bonnes intentions de bibliothécaires.

11 décembre 2005

Naviguer dans les centres d'intérêt.

Une réflexion annexe au message précédent :
Le blog Theshiftedlibrarian a fait un compte rendu complet du colloque.
Une des pistes suggérée serait de se baser sur les goûts des ados, en matière de jeux vidéos, pour leur faire des suggestions de lecture. Par exemple, pour ceux qui aiment les jeux de rôles : du fantastique et de l'histoire ; pour Tetris : des polars ; Doom : de l'horreur ; les simulations (comme the Sims) : de la sociologie.

Je pense que c'est un peu caricatural si on fait comme si les goût en la matière étaient exclusifs, et avaient des équivalents exclusifs en littérature.
Par contre, c'est une bonne idée pour enclencher une discussion concernant les goûts et les lectures potentielles.
Je me dis qu'en bibliothèque nous n'avons pas de formations générales qui concerne ce domaine. Nous n'avons pas de compétence formalisée sur le repérage des auteurs, genres, disciplines, face à différentes attentes d'usagers. Certes, nous avons juste les éclairages que nous apporte notre culture personnelle, et ce qu'on apprend sur le tas.

Je pense à une réflexion de Bertrand Calenge, qui explique qu'à un lecteur on peut proposer :
*soit un ouvrage de difficulté plus grande, dans un domaine qu'il maîtrise (exemple pour un amateur de polar, lui donner du Eco ou du Poe).
*soit un ouvrage de même difficulté, mais dans un domaine nouveau (un récit historique pour l'amateur de polar par exemple).

Des outils plus poussés dans ce domaine, et des connaissances plus poussées en genres et en disciplines, pourraient nous épauler dans le dialogue avec les usagers. Ne serait-ce que pour nous aider à voir tout ce qu'on peut prendre en compte, comme par exemple les goûts en matière de jeux vidéos.

Jeux en réseaux, Apprentissages, Bibliothèques.



Le 5 décembre a eu lieu à Chicago un colloque de l'OCLC intitulé :
"Gaming, Learning and Libraries."
(La vidéo des exposés est disponible ici.)

L'OCLC encourage à créer des zones de jeux en réseau dans les bibliothèques. Un résumé des arguments ici : les jeux apprendraient à résoudre des problèmes complexe et à apprendre en commun. (On parle de jeux dits sérieux:
http://www.seriousgamessummit.com)

Je retiens ce diaporama de C.A. Steinkuehler (diplomée en psychopédagogie) :
"Pourquoi les bibliothèques devraient-elles s'intéresser aux jeux vidéos?"
Pour l'auteur, les mondes virtuels en ligne sont devenus les véritables lieux de sociabilités pour les jeunes américains. Ou plutôt, un "troisième lieu" au sens du sociologue Putnam, un lieu qui n'est ni la maison ni le travail. Selon Steinkuehler, ces jeux ne prennent pas la place des activités d'instruction ("literacy activity"), ils sont véritablement des activités d'instruction, par leur stratégie et leur arrière-plan : forums, invention de scénarios. (Le langage SMS avec lequel les joueurs communiquent semble constituer pour cette universitaire un sujet d'étude sémantique très profond.)
http://www.oclc.org/capcon/segments/technologies/files/Steinkuehler.ppt
Un autre diaporama plus général sur le monde des jeux. http://www.oclc.org/memberscouncil/meetings/2005/october/anatomy_gamer.ppt(Aux Usa aussi on dirait qu'ils recyclent des morceaux de leurs powerpoints!)

Des conseils pratiques ici pour incorporer des jeux dans les collections et l'espace d'une bibliothèque, et un exemple concret : la bibliothèque de Santa Monica qui organise tous les trimestres une soirée Counterstrike pour 60 personnes. (Je pense qu'il est important de noter que cet établissement développe en fait beaucoup d'autres activités pour les adolescents.
http://www.smpl.org/calendar/Winter0506TeenCalendar.pdf )



A mon avis ces articles développent unilatéralement les potentialités positives des jeux vidéos, et en déduisent que toutes les bibliothèques devraient à présent en assurer par leurs propres moyens la promotion.

Il ne faut certes pas sous-estimer l'intérêt sociologique ou sémantique qu'on peut prendre dans l'étude des usages des joueurs. Mais de mes rares lectures en psychopédagogie, je crois savoir que le jeu n'est qu'une des étapes de l'apprentissage, et pas l'apprentissage dans son entier.
Et en ce qui concerne l'application aux bibliothèques : effectivement ça pourrait être intéressant de fournir un cadre non commercial aux jeux en réseau, et ça semble être dans la continuité de la culture des bibliothèques municipales américaines (qui ont l'air de se percevoir plus comme un lieu de passage multiservice que comme des salles de lecture). Par contre, en France, il faudrait bien voir qu'il s'agirait là d'une extension considérable du projet des bibliothèques (qui devrait s'accompagner aussi de changements de budgets et de changement de politique générale d'animations, si l'on ne voulait pas qu'elle se fasse au détriment des services de base).

Les bibliothécaires de l'OCLC ont l'air de vouloir se mettre à l'école des gamers :
"immerse yourself in pop culture, especially video game culture,
([it] gains you street cred[ibility] with this generation)"*

Mais est-ce vraiment pour ammorcer un dialogue, où seulement parce qu'ils ont renoncé à ce que la culture, l'apprentissage et les grands auteurs gagnent jamais la moindre crédibilité auprès des jeunes et des jeunes adultes?

La littérature : des sensations pures.



J'ai trouvé dans EN VUE (mensuel des activités des bibliothèques de la ville de Paris) un article de Pierre Lepape, intitulé (selon une citation de Pierre Dumayet): "Lire ne sert à rien, lire sert à lire".

Selon l'auteur, il faut distinguer :
*La lecture en soi, "qui est sa propre récompense", qui est "l'acte même de la lecture, son irremplaçable gratuité", la lecture littéraire
*et la lecture de consommation, celle qui apporte un service, un supplément "de savoir, d'émotion, de rêve, de compréhension".
Pour l'auteur le second mode verra la victoire des nouvelles technologies, qui y sont plus efficaces. Alors que le livre restera consubstantiel du premier mode, là où "La lecture est ce qui livre les livres à nous-mêmes".


C'est intéressant. Mais je ne suis pas convaincu par cette vision de la lecture littéraire comme purement transcendante, comme sans aucun lien avec les autres préocupations basses et mondaines.

Ceci pour plusieurs raisons :
*Déjà, dénigrer systématiquement la vie pratique me paraît louche. Il y a du sacré dans le profane, il y a du profane dans le sacré.
*Il y a une implication littéraire (si faible soit-elle) dans tout texte : tout usage du langage est structuré par ce langage.
*Il n'y a pas d'objet pur. Ce serait si chouette, d'être des bibliothécaires à l'intériorité profonde et n'éprouvant que des sensations pures (comme les produits laitiers)! Mais on s'envole toujours à partir d'un sol : même en tant qu'amateurs de littérature nous restons ancrés dans le monde. Ceux qui le nient et y cherchent un absolu s'ancrent en professeurs d'analyse stylistique, en experts d'anecdotes biobibliographiques, ou en écrivains maudits pour qui le scandale radical est que le blog d'Assouline ait plus de succès que le leur. :D
* Il n'y a pas d'usage pur. Je n'ai pas à essayer d'éviter de m'informer et de me divertir quand je lis de la littérature. Certes celle-ci a une spécificité, qu'il faut défendre face à la simple novelisation du réel.

La spécificité de la littérature, c'est - par le biais d'un style et d'une intrigue - de diversifier notre relation sensible au monde. Cette idée est banale en ce qui concerne les peintres (dont l'esthétique "change notre regard"). Mais c'est une idée moins évidente pour la littérature, car elle n'y concerne pas seulement quelque chose de perceptif, mais aussi quelque chose qui a trait à l'interprétation et au sens. (Je pense que cette idée me viens des essais de Kundera. Idée via Kundera).

Une lecture plus littéraire sera celle où je découvre un style radicalement nouveau pour moi (où je suis contraint de changer ma perception et mon interprétation), une lecture plus divertissante sera celle où je retrouve simplement un style que je connaissais déjà. Ces lectures ne m'orientent pas vers un monde détaché, mais elles modifient et enrichissent ma vision du réel. C'est cette expérience, ni plus, ni moins, qu'on peut trouver dans les livres. Le livre est sans doute plus adapté à la littérature que les nouvelles technologies, non pas parce qu'il serait étranger au monde de l'utilité, mais parce que l'expérience "totale" de la littérature a besoin de l'incarnation dans l'espace et le temps.

Je me méfie des discours qu'on peut tenir sur la littérature : en répétant sur tous les tons "lire c'est bien, soyez-en convaincus" à la fin on a l'impression qu'on cherche simplement à convaincre les gens que la lecture est quelque chose à haute teneur gratifiante.
A force de dire que lire est grandiose, que lire est gratuit, que lire ne sert à rien, on pourrait nous prendre au mot.

Trafic de blog



Ce blog a été signalé sur Biblioforum (liste RSS), Tribune libre, Vagabondages, Culturetic, Biblioacid (à qui je dois d'avoir reçu la visite d'une partie de l'internationale bibliogeek), et Bibliobsession.
Merci !
Voilà pour mes 15 Kilo-octets de célébrité.

04 décembre 2005

L'Amérique, c'est pas comme chez nous.



Depuis plusieurs mois j'ai conservé des liens d'articles un peu "décalés" concernant les bibliothèques des Etats-Unis et du Québec.(source majoritaire : Yahoo actualités). Ils me semblent intéressants, pas forcément pour leur caractère innovant ni même forcément représentatif, mais parce qu'ils ne coïncident pas toujours avec nos problématiques de bibliothécaires français.

Les objectifs fixés aux bibliothèques là-bas y sont souvent plus radicaux et tranchés qu'en France (c'est tout ou rien). Et on ne se pose aucun problème quant à mêler le monde de la culture avec des pratiques issues de milieux très différents. Souhaite-t-on faire pareil chez nous? A voir.



Là où 99,6% des bibliothèques offrent internet à leurs usagers.
http://www.msnbc.msn.com/id/8336946/
Elles se posent à présent le problème de l'accessibilité de ces postes face aux fortes demandes aux heures de pointe. Deux tiers des américains adultes utilisent internet, 14% d'entre eux n'y ont accès que sur leur lieu de travail, à l'école, ou en bibliothèque.



Là où les programmes politiques parlent d'heures d'ouverture.
http://www.radio-canada.ca/arts-spectacles/Plus/2005/11/03/001-culture-elections.asp
Le maire de Montreal soutient qu'il investira 2 millions $ au prochain mandat afin d'augmenter les heures d'ouverture des succursales et le nombre de bibliothécaires.
En France les programmes municipaux parlent surtout de la construction des locaux (et indirectement, à travers la transformation de bibliothèque en médiathèque, des supports ). Mais plus rarement de leur contenu qualitatif et de leur conditions d'usages.



Là où c'est un scandale de vouloir fermer la bibliothèque le dimanche.

http://www.madison.com/tct/news/stories/index.php?ntid=58159
Et là où on peut déclarer sans rire : « Nous sommes ouverts plus de 90 heures par semaine, j’espère que c’est assez ».
Cité d'un article sur le le geocaching pour bibliothèque (tout découvrant la classification du Congrès).
http://www.sciencedaily.com/releases/2005/10/051017071602.htm



Là où les habitants doivent voter pour une taxe bibliothèques.
Ils ont voté oui dans une ville de 150 000 habitants qui a failli fermer sa bibliothèque faute de crédits alloués.
http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?file=/chronicle/archive/2005/11/12/BAGPAFN1GU1.DTL
Ailleurs c'est l'Etat fédéral qui râle pour des dépenses concernant des bibliothèques de Comté (des sortes de BDP, qui dépendent à la fois de crédits locaux et fédéraux).
http://www.journaltimes.com/articles/2005/11/12/local/iq_3761483.txt



Là où les sites webs des bibliothèques sont aggressifs.
"Sure we’ve got books, but that’s not all."
Suivre le lien «Tour our services » : Une présentation des services d’un réseau de bibliothèques.
http://www.plcmc.org/multimedia/default.htm
(Leur planning de formations informatiques pour les usagers est également impressionant :
http://plcmc.org/programs/searchresults.asp?type=13)




Là où la Lecture publique ose faire de la publicité mensongère
En voulant faire croire que c'est hype de lire.
(Posters trouvés sur le site de vente en ligne de l'American Libraries Association
http://www.alastore.ala.org/)

Fait comme toutes tes stars préférées : lis un livre !



Là où on paye ses amendes de retard...
...en venant faire des lectures à la bibliothèque.
http://www.etruth.com/News/Content.aspx?ID=360528&page=



Là où les best-sellers ont leurs Oscars à la télé.
The Quills Awards : un show télé pour nommer les meilleurs livres de l'année. Le gagnant sera spécialement promu en librairie (le CNL apprécierait ! vainqueur :Harry Potter).
http://www.wnbc.com/quills/index.htmlNéanmoins il semblerait que peu de personnes aient souhaité participé au vote.
http://www.newpublisherjournal.com/1128447667.shtml
Alors qu'en France, imaginez les potentialités germanopratines d'un tel prime time, avec éliminations en direct par SMS).



Là où les bibliothèques se font entendre politiquement.
Même si elles ont échoué, les bibliothèques du Connecticut ont eu un certain écho médiatique, en tentant de faire valoir comme anticonstitutionnelle l’utilisation de leurs fichiers par le FBI.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/11/05/AR2005110501366.html?nav=rss_technology
Ce qui a fait déclarer à Kurt Vonnegut, l’auteur d’Abbatoir 5 : "The America I loved, still exists in the front desks of public libraries."
http://www.usatoday.com/life/books/news/2005-10-05-vonnegut_x.htm
(En termes médiatiques, l'interassociation des bibliothécaires français, concernant la directive sur le droits des auteurs et éditeurs, à actuellement moins de succès).



Là où les bibliothécaires n'ont pas honte de leur réussite
(La présidente de l’ALA.)
http://lb.princetonlibrary.org/experience.html
En France je ne connais que le site d'Alain Caraco qui se rapproche de ce type de présentation.
http://alain.caraco.free.fr/index.php?page=parcours
(C'est l'occasion de mentionner son blog : http://alain.caraco.free.fr/blog/)



Là où un salaire de départ moyen de 32 000$ est considéré comme dissuassif.
http://www.cbsnews.com/stories/2002/06/18/national/main512573.shtml?CMP=ILC-SearchStories
Cet article aborde le problème des recrutements de bibliothécaires aux Etats-Unis et sur l'attractivité du métier. "L'association des Bibliothèques met à nouveau l'accent sur les recrutement, en insistant particulièrement sur les hommes, les minorités et les personnes envisageant des changements de carrières".
( en lien avec le débat soulevé sur biblioacid : http://www.biblioacid.org/2005/11/discrimination.html )



Là où l'Ifla s'associe à 3M pour décerner le prix des bibliothèques les plus marketing.
http://www.ifla.org/III/grants/3m-award.htm#2004winners
Le slogan de la bibliothèque gagnante est « Je suis venu, j’ai vu, j’ai lu. »
La deuxième a choisi : « Soin pour l’esprit. »
La troisième n’a pas de slogan, c’est sans doute pour ça qu’elle n’est que troisième.



Là où les formations continues sont branchées.
Une formation continue organisée par l’OCLC concernant les innovations technologiques pour bibliothèques :

http://www.oclc.org/western/training/courses/descriptions/W701.htm
"Est-ce que ta bibliothèque est à niveau?" (to keep up, "se maintenir à niveau")
Je pense que cette formulation mérite d'être remarquée. A la lettre, elle signifierait que le bibliothécaire va suivre la formation en ayant un regard d'analyse sur son établissement, et en ayant pour but de pouvoir l'améliorer par ce qu'il aura appris. (Et pas simplement pour augmenter son bagage personnel).
Programme de la formation :
Topics covered include

Your library's evolving role in the community
The "new social software movement"
Blogs
RSS (Really Simple Syndication)
Virtual reference
Your library and "convergence"
Service evolution
RFID (Radio Frequency Identification)
The new resource sharing and ILL
Audio book, eBooks, etc…
Wireless
e-Learning
And much more!




Là où un bibliothécaire se demande ce qu'il peut apprendre professionnellement de Google, Wikipedia et Amazon.
-Au lieu de simplement critiquer :) .-
What Does Google Know That We Don’t?
http://www.ala.org/al_onlineTemplate.cfm?Section=2005columns&Template=/ContentManagement/ContentDisplay.cfm&ContentID=104848
Wikipedia.
http://www.ala.org/al_onlineTemplate.cfm?Section=2005columns&Template=/ContentManagement/ContentDisplay.cfm&ContentID=108806



Là où 34% d'inscrits est décrit comme une situation calamiteuse (Québec).

Il existe au Québec un établissement qui n'a pas son parallèle en France : il s'agit de la "Grande bibliothèque", qui au sein de l'institution « Bibliothèque nationale du Québec », est spécialement consacrée au prêt de documents.
Cet établissement a été critiqué pour son coût, mais aussi pour la concurrence qu'il ferait au domaine privé !
Une internaute écrivait ainsi sur le site http://www.cyberpresse.ca/opinions
"Pourquoi le gouvernement ne décréterait-il pas un « petit délai » obligatoire de trois mois entre la vente d'un nouveau produit culturel (livre, disque compact, cassette de musique, DVD, vidéocassette, logiciel, etc) dans les établissements commerciaux et son prêt théoriquement gratuit dans les sacro-saintes bibliothèques subventionnées qui font actuellement, grâce aux taxes des Québécois, du piratage étatisé?"

Les réponses de la présidente de la Grande Bibliothèque sont tout aussi étonnantes.
http://www.ledevoir.com/2005/10/04/91806.html
Elle estime que celle-ci ne fait pas concurrence avec le commerce puisque qu'on y achète et prête des nouveautés CD et DVD que, respectivement, en 6 et 8 exemplaires. (Imaginez la BNF ou la BPI qui feraient pareil). Pour elle, le taux d’inscrit au Québec n’étant que de 34%, il est donc urgent que ce pays cesse enfin «  d'être à la traîne de tous les pays d'Europe et d'Amérique ».
« Les colloques peuvent deviser à l'infini sur l'avènement de la société de l'information, sur les mutations culturelles, sur la fracture numérique, sur l'absolue nécessité de l'éducation continue. Un jour, il faut passer à la création de moyens, les intentions doivent prendre forme, la bibliothèque les incarne au mieux. »




02 décembre 2005

La bibliothécaire la plus rapide du monde (et autres valorisations).


Pourquoi est-ce drôle et mignon, de valoriser emphatiquement bibliothèques et bibliothécaires ? Pourquoi est-ce irrésistiblement amusant, de se moquer de leur image de désuet mystère ?
J'avance l'explication suivante. La représentation de la bibliothèque, de sa grandeur et de sa richesse, provient moins d'un passé historique réel (un temps immémorial où les bibliothèques auraient orienté le cours du monde) que du souvenir de l'enfance et de l'étude, le temps des images toutes faites, des réalités toutes pleines et des figures tutellaires. Images dont l'évocation n'est pas sans une certaine nostalgie amusée...

Reading on a dream : une Comédie musicale de bibliothèque.

La bibliothécaire la plus rapide du monde. (Le film est visualisable avec Quicktime).

Fantasmes sur les bibliothécaires.

La chanson de la bibliothèque.

(Tout ça via Catalogueblog et Librarian extraordinaire).

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