26 novembre 2006

La pensée aux prises avec l'informatique



"Systèmes d'information, obstacles & succès. La pensée aux prises avec l'informatique."
Laurent Bloch

* Contrairement aux mathématiques, l'informatique traite d'états.
"Le propos d'un programme informatique n'est pas de démontrer un théorème mais d'effectuer un traitement, [...] une action du processus consistant à consulter ou modifier l'état de la mémoire.
La mathématique ignore cette notion d'état, qui introduirait dans son univers d'abstraction un aspect physique totalement incongru.
Cest un peu comme si le papier sur lequel le mathématicien inscrit les signes du calcul avec un crayon acquérait un statut théorique."
(Il est intéressant de noter que les contraintes informatiques sont présentées comme issues de leur aspect "physique", alors que d'habitude la notion de virtualité ou d'immatérialité tend à isoler l'informatique comme un domaine flou, fantasmatique et autonome.)


* Il n'y a pas d'isomorphie entre un système d'information et le réel.
"Un SI n'est par nature qu'une représentation, une abstraction qui ne retient à propos de la réalité qu'elle représente que les informations qui importent à l'objectif poursuivi, exprimées avec la précision nécessaire, mais pas plus."
"Les données ne sont pas un élément tangible de la réalité, mais un artefact construit avec une intention déterminée, cette intention conditionne les interprétations qui pourront être faite de ces données" (Field theory of information).
Un système d'information ne traite que ce qui a été interprété comme donnée (une base comptable n'a pas besoin de faire interagir les descriptions techniques de ses items).
[Isabelle Boydens : Informatique, normes et temps.]
Ceci s'oppose à la métaphysique implicite des théoriciens des systèmes d'information ("Total data quality management"), qui prétendent circonscrire le réel comme un ensemble objectif de choses, propriétés, relations, dans des bases de données. De même pour les appellations "ontologies" ou "web sématique", qui sont une réduction de toute réflexion métaphysique et linguistique à de l'indexation automatique. "Le péché véniel d'enflure verbale finit par confiner à l'imposture intellectuelle, ce qui est plus gênant".

* L'informaticien doit concevoir la nature des données et de leurs changements d'état.
Chaque étape du travail de programmation peut amener à rédefinir quels traitements on demande au programme. C'est pourquoi la séparation entre conception et réalisaton (maître d'ouvrage/maître d'oeuvre) ne peut pas fonctionner. L'informaticien ne cherche pas des réponses, il cherche plutôt à chaque étape à sélectionner des questions qu'il va faire interagir entre elles.
D'où l'inadéquation de méthodes de management finalement issues d'autre domaines de travail (développement en V, Merise, SADT, méthode B, UML, représentation graphique, ISO9000).
[Frederick Brooks : The mythical man/month.]
[Alexandre Zinoviev : Les hauteurs béantes.]

* L'informaticien et son client doivent aborder problèmes et solutions de manière progressive.
Il faut définir de objectif généraux, pas de cahiers des charges rigide : il vaut mieux trouver d'abord des solutions imparfaites, mais efficientes, simples et modulables.(méthode dite "eXtreme Programming")
Itérations successives, on bâtit d'abord les étages avant les fondations, en plusieurs cycles : (prototype/suggestions/corrections). "Dès la fin de la première itération le système sera opérationnel, même s'il ne fait à peu près rien". D'où l'intérêt de pouvoir faire de multiples tests gratuitement, en récupérant du travail déjà fait (des modules open source).

Illustration avec l'histoire d'internet et les formats d'échanges qui l'ont emporté (les plus simples et souples, avec une couche réseau dite "non-fiable" car elle ne vérifie pas elle-même la bonne transmission des données mais laisse ce travail au récepteur), illustration avec le projet Socrate à la SNCF (mauvaise définition du besoin et des moyens).

Laurent Bloch invite donc à démythifier le travail de programmation, qui n'est ni travail mystérieux, ni pure tâche d'exécution : les clients doivent y participer, leur rôle est de définir à chaque étape leurs besoins et interprétations en terme de données et de traitements, tout en prenant connaissance des moyens et des contraintes spécifiques à l'automatisation de l'information.

14 novembre 2006

La grande numérisation, de Lucien X.Polastron


En deux mots : pour Polastron la numérisation apporte un point de vue complémentaire et incomparable sur les livres ; mais elle est menacée par les intérêts particuliers des entreprises privées et par la courte vue des projets publics.

Extrait p.95 (attention, numérisation à la main) :

"Que pensent les bibliothécaires de cette phagocytose ? Pas grand chose pour l'instant, d'autant que d'autres ont coutume de s'exprimer à leur place.
Les bibliothécaires commentateurs à la fois courageux et avisés sont rarissimes : Dominique Lahary, Michel Fingerhut... Les autres, tels les talentueux Hervé Le Crosnier, maître de conférences en "gestion de l'information" à Caen, Jean-Michel Salaün, Hubert Guillaud ou Olivier Ertzcheid , sont souvent des spécialistes de tout autre chose de la bibliothèque, voire de son contraire. Déchirée par un conflit de générations et de société qu'aggrave la mutation de la lecture publique de proximité, l'académique ENSSIB s'est notoirement cadenassée à l'écart du débat le plus crucial qu'il lui était donné d'affronter; cf. son organe le Bulletin des Bibliothèques de France. Quant à l'ABF, les bibliothécaires, ses adhérents, ont débattu du droit de lire en juin 2005, puis ils ont organisé une journée d'information et de réflexion le 10 octobre 2005 sur le grave sujet de la numérisation qui les concerne de plein fouet. L'usager espère des positions fortes, mais la non-publication des actes les plus attendus du congrès peut être vue comme le signe d'un étrange désarroi, de même que la journée d'information se voulait sans journalistes, sauf à payer 100 euros, ce qui paraît non seulement sauvage mais difficilement compatible avec le sens du combat globalement annoncé."

L'auteur note néanmoins, p.164, la motion de l'ABF du 20 juin 2005 : "L’ABF souhaite que les principes qui régissaient hier le fonctionnement des bibliothèques dans l’univers papier, principes garants de la liberté d’accès du citoyen à l’information, soient préservés dans l’univers numérique. " Mais il remarque : "ne va-t-il pas falloir, compte tenu de la piètre estime dans laquelle tout édile tient la profession, aller beaucoup plus loin ?".

12 novembre 2006

Dynamiser l'association des bibliothécaires

Meredith Farkas, la créatrice du wiki Libsuccess, explique pourquoi elle va finalement renouveller cette année son inscription de 200 $ à l'ALA (American Library Association)

Extraits :
Ce que l'ALA a fait de bien en 2006
* Chercher de nouveaux moyens de servir les usagers (durant une conférence virtuelle)
* Commencer à développer des sites collaboratifs. (L'ALA propose en effet à tous les bibliothécaires américains une solution d'hébergement de blogs de de wikis.)
* Penser aux nouveaux membres : en proposant à quelques "leaders émergents" un programme spécifique de formation à l'encadrement et aux technologies.
* De meilleurs programmes aux conférence.

Ce qui reste à améliorer
* Formations en sciences bibliothéconomiques (LIS) : pas de changement malgré les annonces du Président de l'ALA.
* Pas de formations en ligne gratuites, alors que ce serait facile à mettre en place.
* Pas assez d'informations envers les nouveaux membres et peu de moyens de s'impliquer : dès leur inscription il faudrait leur indiquer comment ils peuvent s'impliquer, selon les compétences et le niveau de participation qu'il peuvent apporter.

M.Farkas indique en conclusion qu'un candidat à la présidence de l'ALA souhaite une "ALA 2.0", où parallèlement aux structures des comités officiels, divers projets collaboratifs, spontanés et rapides, pourraient être mis en place et soutenus.

01 novembre 2006

Accompagner la société

Les bibliothèques doivent-elles être réactives ou proactives ? Rattraper tant bien que mal les évolutions de la société, ou au contraire prétendre les anticiper à travers des propositions innovantes ?

Pour Bertrand Calenge (responsable de l'évaluation et de la politique documentaire à Lyon) il faut trouver une voie du milieu qui permettrait aux bibliothèques d'accompagner les changements de la société. "Nous ne faisons que servir, qu’accompagner cette collectivité, sa population, sans vraiment la guider ni seulement la suivre. Et l’accompagner, de façon professionnelle, cela signifie se remettre en question, replacer l’action dans son contexte, inventer de nouveaux moyens d’affirmer des objectifs et d’évaluer son activité." (BBF).

Applications :

* la politique documentaire réside non pas dans la formalité d'une charte, mais dans l'intégration d'objectifs par les acquéreurs. (BBF).

* récit de la mise en place de la politique documentaire à Lyon (Mémoire ENSSIB, p 85).

* le Guichet du savoir est une offre authentiquement culturelle (ARALD 213, 214, et réponse de la directrice BM d'Annecy, intitulée "Touche pas à ma bibliothèque" : 215)

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